De la gare de l’Estaque à PLMA, Paris Lyon Méditerranée réseau d’Algérie
Contexte historique
La Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) est une entreprise emblématique de l’expansion ferroviaire française du XIXe siècle, incarnant à la fois l’essor industriel et la domination économique de la France métropolitaine. Fondée au milieu du XIXe siècle, la PLM a été dirigée par Paulin Talabot (1799-1885), ingénieur polytechnicien, banquier et homme politique, qui a joué un rôle clé dans le développement des infrastructures ferroviaires en France et dans les territoires sous domination française. Talabot, visionnaire et capitaine d’industrie, fut également impliqué dans l’exploitation minière, notamment dans la région de la Grande-Combe, ce qui a renforcé ses intérêts industriels liés à la production et au transport du charbon.
À Marseille, la gare de l’Estaque illustre bien cet effort industriel. Construite dès 1851 avec une vocation à la fois industrielle et liée au port, elle permit le raccordement ferroviaire entre L’Estaque et La Joliette, facilitant le transit des marchandises entre le chemin de fer et la navigation portuaire. La gare joua un rôle stratégique dans l’industrialisation de Marseille, notamment dans l’acheminement du charbon et du coke, composantes essentielles à l’industrie naissante et au développement de la marine à vapeur. La connexion avec la gare Saint-Charles, construite en 1848 et liée à l’ouverture de la ligne PLM entre Paris, Lyon et Marseille, fit de cette infrastructure un maillon important dans la spécialisation industrielle et commerciale de la région.
Simultanément, la conquête coloniale française en Algérie à partir de 1830 s’est accompagnée d’un développement des infrastructures, en particulier ferroviaires, pour renforcer la présence française et exploiter les ressources naturelles. Sous Napoléon III, un plan impérial fut initié dès 1857, comprenant la construction prioritaire de lignes reliant les grandes villes algériennes : Alger-Oran et Philippeville-Constantine. La compagnie PLM prit le relais de la Compagnie des chemins de fer algériens à partir de 1863, construisant et exploitant un réseau important en Algérie (le PLMA) jusqu’à son rachat progressif par l’État dans les années 1920. Ce réseau ferré joua un rôle clé dans le contrôle colonial, la circulation des marchandises, et la consolidation de la domination française sur le territoire algérien.
Approche critique
« Promouvoir l’œuvre collective de la France d’outre-mer » est bel et bien l’objectif annoncé.
L’histoire des infrastructures sous domination coloniale soulève un débat critique important. Si ces infrastructures (routes, chemins de fer, ports) sont souvent présentées comme un apport au développement des territoires colonisés au nom du "rayonnement de la France", il est essentiel de souligner que leur finalité principale servait les intérêts économiques et industriels français, notamment ceux des grands industriels comme Paulin Talabot, et le projet colonial. Plutôt que d’être un simple vecteur de développement local, ces réseaux ont largement favorisé l’extraction des ressources, le transport des matières premières vers la métropole, et le maintien d’un système colonial.
La question se pose donc de l’équilibre à faire entre les bénéfices matériels mis en avant (construction d’infrastructures, administration, santé publique) et les violences et injustices subies durant la colonisation (répression, exploitation, discriminations). Ce débat a notamment été illustré par la controverse entourant l’article 4 de la loi de 2005 sur les "effets positifs" de la présence française outre-mer, qui reconnaissait officiellement ces apports tout en occultant les violences coloniales, ce qui a suscité une forte opposition d’historiens et de juristes avant l’abrogation de cet article en 2006.
Ainsi, la politique d’infrastructures menée dans les colonies, dont la construction des lignes PLM en Algérie, doit être comprise dans le cadre d’un projet impérial et industriel français visant à consolider un système colonial qui privilégiait les intérêts économiques des élites françaises, plutôt que comme un effort neutre ou purement altruiste de "mise en valeur" des territoires colonisés.
Ce débat sur les effets positifs de la colonisation Outre-Mer a donné lieu à une loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés dont l’article 4 a été très contestée notamment comme loi dictant l’histoire officielle.
Elle a été présentée et défendue au parlement par Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense durant le quinquennat du président Jacques Chirac. Elle fait partie des quatre lois mémorielles françaises.
Elle a été à l’origine d’une vive controverse, soulevant l’opposition d’historiens et de juristes, notamment du fait de son article 4 alinéa 2 qui disposait que : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. »
Seul l’article 4, alinéa 2, qui imposait la reconnaissance du "rôle positif de la présence française outre-mer" dans les programmes scolaires, a été abrogé par décret en février 2006 suite à une vive opposition d’historiens et juristes. Le reste de la loi, axé sur la reconnaissance des souffrances des rapatriés et les mesures compensatoires, n’a pas été supprimé et continue d’être invoqué dans les débats mémoriels et juridiques.
Auteurs et autrices
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CHABANI Samia
Coordinatrice générale d’Ancrages, journaliste Diasporik
Pour citer
(2025). “De la gare de l’Estaque à PLMA, Paris Lyon Méditerranée réseau d’Algérie”, Mars Imperium (http://marseille.marsimperium.org/de-la-gare-de-l-estaque-a-plma-paris-lyon-medi), page consultée le 8 décembre 2025, RIS, BibTeX.